Le site, apparu voici quelques jours sur Internet, s'appelle "L'Observatoire permanent des béni-non-non". Le principe : de Marine Le Pen à Olivier Besancenot en passant par Martine Aubry, l'opposition ne sait dire que "non" à toutes les réformes, toutes les propositions du gouvernement, notamment sur les retraites. Les"béni-non-non" sont représentés sous forme de figurines : Benoît Hamon est "Benoît, chef de projet râleur", Daniel Cohn-Bendit "gestionnaire des opportunités de contradiction", Cécile Duflot "chargée des déploiements des visions à court terme". Le concept est décliné à travers des vidéos de "non" lancées par divers leaders de l'opposition, parfois compilées, comme sur le "clip officiel".
Toute la panoplie du Web social est également déployée : jeu sur Facebook, module de sondages, compte Twitter, chaîne YouTube, page MySpace, vente de "goodies" comme des t-shirts et même une inscription sur le réseau professionnel LinkedIn, plutôt destiné à la recherche d'emplois. Une partie importante du site est dédiée à la participation, les internautes étant invités à poster leurs propres vidéos de "béni-non-non", notamment sur la réforme des retraites. Pour les aider, le site propose même un planning des meetings des figures de l'opposition.
L'INITIATIVE D'UNE PROCHE DE "NKM"
Alors que son objet ne laisse guère de doute sur le fait qu'il épouse les thèses du gouvernement, le site ne comporte aucune référence à l'UMP, ni aux Jeunes populaires, le mouvement de jeunesses du parti. Son concept, comme les outils qui y figurent, eux, sont dignes de réalisations d'agences de marketing Web. Mais officiellement, c'est une jeune élue locale de l'Essonne et militante du parti présidentiel, Sophie Rigault, qui est la seule à l'origine de cette initiative. La jeune femme raconte avoir été inspirée par une intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet. La secrétaire d'Etat à l'économie numérique avait trouvé ce bon mot, fin mai sur Canal+, à propos du PS : "le parti des béni-non-non sur les retraites".
"Ça m'a fait rire, du coup on en a discuté avec des amis", raconte Sophie Rigault au Monde.fr. Proche de Nathalie Kosciusko-Morizet, dont les terres électorales se situent en Essonne, elle a "réfléchi à un concept sympa" pour exploiter la formule : "Associer tous ces gens qui disent toujours non, qui sont toujours dans une posture de refus." L'initiative a plu à la secrétaire d'Etat, qui a fourni son aide, via une association qu'elle vient de créer, L'Atelier.
Composée "d'intellectuels, de chefs d'entreprise, d'acteurs d'Internet", cette structure, qui ne possède pas de site Web ni de façade visible, vise à fournir une "réflexion sur la société qui vient, notamment du fait des nouvelles technologies", indique-t-on dans l'entourage de Nathalie Kosciusko-Morizet. L'Atelier, qui "trouvait l'idée originale", a donc financé la mise en œuvre technique du site, pour "environ 50 000 euros", toujours selon l'entourage de "NKM", entièrement prélevés sur "les fonds de l'association". L'Atelier a "guidé Sophie dans sa réalisation". Mais l'initiative appartient à la jeune militante, insiste-t-on.
"INSISTER SUR LE CÔTÉ CARICATURAL DE L'OPPOSITION"
Pourquoi ne pas avoir identifié ce site comme émanant de sympathisants de l'UMP ? "Le site est partisan, je le reconnais très volontiers", concède Sophie Rigault, qui ne souhaitait pas pour autant solliciter les instances de son parti. Une pratique souvent utilisée en marketing dit "viral", où l'on cherche à étonner l'internaute par un site ou une initiative originale, avant de révéler qu'une marque en est à l'origine.
Pour autant, les militants du parti présidentiel sont au courant. Nathalie Kosciusko-Morizet leur a d'ailleurs fait passer un mail très officiel leur demandant de relayer le message. Ce qui est fait, sur quelques blogs.
Mais ce ne sont pas les militants qui assurent la notoriété de l'initiative. Contact de quelques blogueurs politiques via Twitter, article proposé sur le site participatif Le Post (propriété du Monde.fr), mais aussi sur le site de "journalisme citoyen" AgoraVox, relais sur des blogs de "buzz marketing"… le référencement des "Béni-non-non" a été fait de manière très professionnelle. Au point de poser quelques questions sur l'aspect "amateur" de ce site.
Reste le fond : regrouper dans un même camp Olivier Besancenot (NPA), Martine Aubry (PS) et Marine Le Pen (FN) en affirmant qu'ils ont en somme le même message, n'est-ce-pas un peu démagogique ? Sophie Rigault s'en défend : "Le fait de s'opposer ne me dérange pas, mais il faut avoir des propositions béton en face. Le sujet des retraites est crucial, il faut dépasser les clivages pour faire cette réforme." Même avis chez Nathalie Kosciusko-Morizet : "Il est normal que l'opposition s'oppose, mais ici, on veut insister sur le côté systématique et caricatural de cette opposition."
Qu'on le trouve démagogique ou réussi, le site, destiné à durer jusqu'au vote de la réforme des retraites en septembre, connaît un petit succès, quelques jours après son lancement. Son concept comme sa réalisation tranchent en effet avec les initiatives souvent malheureuses de l'UMP sur le Web, de l'échec de son réseau social "Les créateurs de possibles" au fameux "LipDub" des Jeunes populaires à la rentrée 2009.
Au-delà de la simple critique de l'opposition, on peut alors aussi voir dans les "béni-non-non" une manière pour "NKM" de montrer que son parti n'est pas condamné à l'échec et à la ringardise sur Internet. Quitte pour cela à se passer de la "marque" UMP.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu